jeudi 10 avril 2008

Et pingl

Cette semaine, on m'a appris un mot. Je ne cesse d'apprendre.
"Les Bobby-Pins"

En français, ça se dit "épingles à cheveux". Et la facture, bien montréalaise, est là pour le confirmer. Comme quoi, je les soupçonne de m'apprendre du vocabulaire d'occasion tombé en désuétude.

Délinquance juvénile

On m'avait prévenu. Montréal est une jungle. Pas la jungle bamboula-banana où Johnny Weissmuller saute de liane en liane dans un string en peau de léopard en se prenant pour le fils naturel de King-Kong. Non la vraie, la terrible et la pire : la jungle Urbaine. Poil aux mitaines. Il y a deux ans, mon départ m'avait évité la vague de répression terrible qui visait à débarrasser la ville d'une forme particulièrement tenace de crime organisé. Une mafia sournoise qui jouait les anguilles, se tapissant dans l'ombre de la Place des arts pour mieux renaître au coin de Saint-Laurent et Duluth. Bref, la mairie de sa main de fer mena héroïquement une bataille qui frappa de plein fouet cette espèce dangereuse, cette race particulièrement néfaste et malveillante qu'est... le piéton.

Car oui, ici, le piéton, c'est le Mal. Enfin, le piéton docile tranquille-pépère qui lambine comme un clampin sur son bout de trottoir avec son sac à commission, lui, c'est correct. Il atteint la vitesse de pointe d'une tortue tétraplégique, et l'idée même de traverser en dehors des clous lui cause une crise d'apoplexie. Au besoin, on lui colle un minuteur au passage piéton, parce qu'à force de flipper, il est seul capable d'estimer à la seconde près et à vue de nez le temps que ça lui prendra de traverser les 14 mètres 23 centimètres et 68 millimètres d'asphalte qui le sépare du trottoir d'en face.
Le VRAI fléau, c'est le piéton qui s'en fout. Celui qui ne prend pas au sérieux sa condition de piéton. Qui se moque des responsabilités, des problématiques, des enjeux liés à son état. Ce petit impudent irresponsable ne comprend que vivre en ville et à pied, c'est super-ultra-méga dangereux ; et que ça prend des codes et des règlements et de l'o-bé-i-ssan-ce. L'obéissance, quoi, merde. On ne rigole pas avec ça, c'est super-ultra-méga sérieux. Les piétons commencent à traverser aux feux rouges, et demain c'est l'anarchie, la guerre civile, des millions de morts !

Enfin, c'est ce qu'à essayer de me faire comprendre un policier qui m'a attrapée traversant à un feu piéton au rouge à 8h58 du matin sur une rue déserte. Et un papi aussi qui m'a regardée d'un air méchant comme si j'avais piqué un bocal de confiture sur l'étagère de la cuisine, en me gourmandant : "Et comment vous comptez être reconnue, à la morgue ?" J'avoue, je touchais le fond en matière de délinquance, je n'avais que ma carte de métro tarif réduit qui portait mon nom et ma photo. Mea maxima culpa. Autant dire que maintenant, je regarde non seulement à gauche et à droite avant de traverser comme ma maman elle m'a appris, mais EN PLUS je vérifie qu'il n'y a aucune voiture de police.

Parce que commencer sa journée par 37$ d'amende pour avoir traversé dans les clous mais au feu rouge, et par la rencontre de deux personnes qui, selon toute vraisemblance, considèrent tout être humain comme un cadavre en devenir, je vous dis que ça prend de l'optimisme pour arriver souriante à la job.